Itinérance à Milton-Parc: la crise perdure malgré les initiatives

Malgré des initiatives prises par la Ville de Montréal en réaction à un rapport de son Ombudsman, publié en 2022, la crise de l’itinérance se fait toujours ressentir dans Milton-Parc.

On voit l'intersection avec quelques personnes près d'une clôture.
Plusieurs personnes itinérantes ont l'habitude de fréquenter l'intersection de la rue Milton et de l'avenue du Parc.

Des problèmes de santé mentale et de toxicomanie compliquent la cohabitation avec les résidents et commerçants de ce secteur du sud-ouest du Plateau-Mont-Royal.

«Je ne marche plus au coin de Milton et Parc. C’est trop dangereux», indique Richard Phaneuf, un habitant de longue date de Milton-Parc et président de la Corporation d’habitation de la Porte-jaune.

Selon lui, la toxicomanie a attiré des gangs de rue et il estime que les crimes violents et sur la propriété ont augmenté au cours des dernières années. 

Le son de cloche est similaire du côté de Charlotte Thibault, qui est présidente de la Communauté Milton-Parc, un syndicat de copropriété, et aussi la conjointe de M. Phaneuf.

«Il y a toujours eu des itinérants dans le quartier, mais pas cette quantité-là, et pas avec les gangs de rue», note-t-elle.

Dans une rencontre avec le ministre responsable des Services sociaux, l’Alliance des commerçants de l’avenue du Parc soulignait une perte d’achalandage dans les locaux de ses membres, indiquant qu’il s’agit là d’un coût caché de la crise.

Un appel à l’action dont les résultats se font attendre

En 2022, l’Ombudsman de Montréal publiait un rapport intitulé Ne pas détourner le regard en réaction à une plainte d’un groupe de citoyens dénonçant le «climat d’insécurité» dans lequel ils disaient vivre ainsi que les conditions de vie des personnes itinérantes.

Le rapport recommandait à la Ville de Montréal et au Plateau-Mont-Royal d’assouplir les contraintes d’urbanisme pour favoriser l’hébergement, de renforcer la concertation dans les projets d’hébergement, d’impliquer les citoyens dans la gestion de l’itinérance et de réformer le financement des organismes communautaires. 

Il proposait également de développer une approche préventive ciblant la communauté inuite, via des programmes d’accueil et de soutien.

Pierre Tessier, qui est chargé de la gestion des communications de l’Ombudsman, indique que le rapport a bel et bien suscité des réactions. 

Montréal a amorcé des démarches pour accroître la flexibilité de son plan d’urbanisme, a contribué à l’avancement de plusieurs projets offrant un toit à court ou long terme à des personnes autochtones en situation d’itinérance et a bonifié son budget lié à l’itinérance, note-t-il. 

Pour ce qui est de l’implication citoyenne, l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal a mis sur pied le comité de bon voisinage Milton-Parc, quelques mois après la parution du rapport.  

La Ville a également investi 754 680$ sur deux ans afin de permettre à la Société Makivvik d’offrir des services d’accompagnement aux Inuits dans des lieux qu’ils fréquentent, comme l’aéroport, la Square Cabot ainsi que Milton-Parc. Le Réseau de la santé et des services sociaux a fait un investissement identique.

«Rappelons que l'Ombudsman de Montréal souhaite dévier la trajectoire des personnes inuites qui, en certaines circonstances et en l’absence d’options valides, se retrouvaient en situation d’itinérance», souligne M. Tessier en précisant qu’il s’agit d’une réponse directe à la dernière recommandation du rapport. 

Cela dit, le bureau de l’Ombudsman dit ne pas constater d’améliorations sur le terrain jusqu’ici, malgré ces initiatives.

Suivre les exemples de Houston et de Helsinki

Le son de cloche est le même du côté de M. Phaneuf, de Mme Thibault ainsi que de John D’Andrea. Ce dernier siège sur le comité de bon voisinage Milton-Parc, qui avait été mis en place par l’arrondissement du Plateau-Mont–Royal en réponse à une recommandation de l’Ombudsman. 

«Il n’y a pas de solution facile», concède M. D’Andrea, notant la complexité du défi tout en déplorant l’absence de leadership assumé dans le dossier. 

«Il y a un manque de continuité – de plan où tout le monde va adhérer à la même stratégie pour travailler ensemble», observe-t-il, tout en notant que la crise du logement a un rôle à jouer dans celle de l’itinérance. 

Il note le succès de l'initiative The Way Home, à Houston, impliquant des centaines d’acteurs différents et fournissant des logements permanents et des services de soutien aux personnes dans le besoin. La Ville, qui était autrefois au sommet des municipalités étatsuniennes avec le plus haut taux d’itinérance, a réussi à loger plus de 32 000 personnes sans abri depuis 2012. 

M. D’Andrea mentionne aussi un scénario semblable en Finlande, où la politique « Logement d’abord » a eu des effets notables à Helsinki.

Rencontre avec le ministre Carmant

En décembre, le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, a rencontré le comité de bon voisinage Milton-Parc et d’autres acteurs touchés par l’itinérance à Milton-Parc.

«Les personnes qui vivent dans la rue n’ont pas accès aux soins et aux services de santé auxquels ils et elles ont droit. Trop de services tendent à éjecter les personnes aux prises avec des problèmes complexes, notamment de santé mentale et de dépendance», peut-on lire dans le compte-rendu de la rencontre au sujet du plaidoyer du comité de bon voisinage, qui invite à étudier les exemples de Helsinki et Houston.

Le ministre Carmant avait alors fait valoir les actions de Québec, notamment l’augmentation de places en refuge, passant de 900 à 2000 et la bonification du Programme de supplément au loyer. 

Huit personnes assises derrière des tables rectangulaires.
Le ministre Lionel Carmant s'est rendu dans l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal pour discuter des enjeux liés à l'itinérance dans Milton-Parc. – photo tirée d'une publication Facebook de la conseillère d'arrondissement, Maeva Vilain

Il a également indiqué miser sur les services de PRISM (Projet de réaffiliation en itinérance et santé mentale), qui a eu droit à une bonification de 4,5 millions $ de son financement pour l’année fiscale 2024-2025 de la part du ministère de la Santé et des Services sociaux.

PRISM, qui fournit notamment des services d’aide en santé mentale, permet de rediriger les individus traités vers les acteurs et services pertinents du secteur. Son suivi est toutefois limité à 12 semaines et aux hommes, pour l’instant.

Appel aux témoignages

L’enjeu de l’itinérance touche évidemment bien des secteurs de Montréal, au-delà du quartier Milton-Parc. Selon la Ville, l’itinérance visible aurait augmenté de 33% entre 2018 et 2022.

Pour tenter de trouver des solutions, l’Office de consultation publique de Montréal cherche actuellement à connaître les perspectives de la population en ce qui concerne l’itinérance et la cohabitation sociale. 

Jusqu’au 28 février, les personnes désirant participer peuvent transmettre leur témoignage en ligne, par message vocal ou en personne lors d’une des séances d’audition des opinions.

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