Patrimoine et rénovations: le Plateau assouplit ses exigences

L’arrondissement veut donner plus de flexibilité aux propriétaires du Plateau lorsque vient le temps de faire des rénovations.

Une photo prise en hiver de bâtiments en pierre avec de jolies fenêtres en bois colorées.
Les magnifiques bâtiments du Carré Saint-Louis.

En plein hiver, un propriétaire du Plateau a découvert deux fissures dans le mur de son bâtiment, ce qui a mené à un début d’infiltration d’eau. Voulant effectuer les travaux le plus rapidement possible, il a demandé un permis à l’arrondissement pour remédier au problème.

Il a alors découvert que le permis ne lui serait accordé que si la corniche du bâtiment était entièrement restaurée, telle qu’elle l’était à l’origine, il y a plus de 30 ans. 

Pour ce faire, ce propriétaire serait alors obligé de faire appel à un ferblantier et payer une facture beaucoup plus salée pour remettre son mur à neuf.

Exaspéré, celui-ci s’est tourné vers les élus du Plateau lors d’une séance du conseil d’arrondissement. «Je ne suis pas millionnaire!», a-t-il lancé à ceux-ci en expliquant sa situation.

Ce cas, loin d’être isolé, s’est répété à maintes reprises depuis l’adoption il y a 20 ans d’un règlement visant à protéger le patrimoine bâti du Plateau-Mont-Royal.

Mise à jour de la réglementation sur le retour aux composantes d’origine

Devant plusieurs situations similaires, l’arrondissement a décidé de moderniser son règlement. Lors d’une assemblée publique tenue le 11 février dernier, des propositions d'allègement ont été présentées.

Celles-ci comprendront notamment une modification de l’exigence de reproduire les couronnements d'origine d’un bâtiment. La proposition veut qu'ils ne soient restaurés que lorsque plus de 50% d’une façade sera affecté par des travaux.

De plus, des listes de choix de pièces et matériaux de remplacement, notamment en ce qui a trait aux portes et fenêtres, viendront simplifier certains travaux.

«Ce qu'on a essayé de faire est de cibler pour cette première modification les interventions qui auraient le plus d'impact pour le plus de demandes possible», a noté la conseillère en aménagement, Catherine Gingras, au sujet des assouplissements.

Finalement, les dimensions des balcons et des escaliers n’auront pas forcément à retrouver leur caractéristiques d’origine. 

Il y aura une plus grande flexibilité lorsque les matériaux d'origine d’un bâtiment sont impossibles à identifier, lorsque les parements sont faits de matériaux jugés inadéquats et lorsqu’un l’apparence d’un bâtiment a déjà été substantiellement transformée.

Catherine Gingras explique les assouplissements aux côtés de ses collègues, alors que le PDF de la présentation est diffusé derrière elle.
Le bois des piédroits entourant une porte pourra être remplacé par du polyuréthane, menant à une différence de coût «substantielle», a donné en exemple Catherine Gingras au sujet de l'assouplissement des exigences matérielles à venir. – photo : Devin Ashton-Beaucage

Le défi de rénover sans dénaturer 

Ces changements sont présentés dans un contexte de réflexion règlementaire entourant le patrimoine, la mixité sociale et la transition écologique à laquelle se sont mêlés plusieurs experts et intervenants indépendants. Ils sont appelés à venir assouplir le cadre qui avait été mis en place en 2005 et réduire le nombre de demandes de dérogations nécessaires.

«C’était une période où l’on perdait vraiment beaucoup de ce qui fait la particularité du Plateau-Mont-Royal», a expliqué la conseillère de la Ville et présidente du comité consultatif d’urbanisme de l'arrondissement, Marie Plourde.

Le projet de règlement, qui a déjà passé l’étape d’une première lecture devant le conseil d’arrondissement le 3 février dernier, y retournera le 10 mars avant son entrée potentielle en vigueur, prévue en avril. 

Une situation difficile pour les coopératives d’habitation

Lors de la période de questions, plusieurs personnes se sont montrées favorables à la préservation du patrimoine, mais ont souligné la difficulté de conjuguer cette demande avec le maintien de logements abordables.

«La préservation du patrimoine ne doit pas devenir un outil d’embourgeoisement», a lancé Vincenzo Corelli, venu représenter la Communauté Milton-Parc (CMP), qui regroupe une vingtaine de coopératives et de sociétés d’habitation. Il a remis un mémoire au nom du CMP.

«On demande aux coops et aux OBNL de préserver le patrimoine, mais sans nous donner les moyens de le faire», a-t-il déploré. 

«Rétablir des bâtiments avec uniquement des matériaux d’origine, c’est hors de prix pour nous», a-t-il poursuivi, dénonçant les propriétaires qui laissent leurs bâtiments patrimoniaux se détériorer au point où ils deviennent irrécupérables et doivent être rasés.

«On partage votre préoccupation en ce qui concerne les propriétaires qui sont de mauvaise foi, qui laissent tomber leur édifice et ne les entretiennent pas», a répondu la conseillère Plourde, rappelant du coup l’entrée en vigueur d’un règlement de la Ville de Montréal en octobre 2023, qui renforce les exigences d’entretien de bâtiments patrimoniaux et permet la distribution d’amendes pouvant atteindre 250 000$. 

Elle a également noté la pression que l’arrondissement effectue sur la Ville centre ainsi que sur le ministère de la Culture et des Communications en ce qui concerne la bonification de l’aide financière à la préservation du patrimoine.

Six représentants responsables de l'urbanisme font face à une salle presque comble.
«Je ne garantis pas que le règlement va être parfait, mais ce n’est pas la fin», a indiqué la conseillère de la Ville et présidente du comité consultatif d’urbanisme du Plateau-Mont-Royal, Marie Plourde, à la salle bien remplie. – photo : Devin Ashton-Beaucage

Richard Phaneuf, de la Corporation d’habitation Porte-Jaune, a aussi remis un mémoire aux représentants de l’arrondissement. 

À défaut d’avoir accès à des subventions plus substantielles, il y demande carrément l’exclusion des logements sociaux et abordables de la règlementation patrimoniale, qui menace leur existence, selon lui. 

Il estime également que la sécurité et les besoins réels de notre époque devraient être davantage pris en considération en ce qui concerne l’encadrement du patrimoine bâti. 

Représentant la Fédération de l’habitation coopérative du Québec (FHCQ) et la coopérative du Châtelet, Guillaume Murphy est venu appuyer les dires de M. Corelli, notant qu’il a vu des prix d’assurances bondir de 9000$ à 56 000$ en l’espace de cinq ans. 

Les coopératives comme la sienne recevant des subventions liées au maintien de logements abordables, M. Murphy a indiqué que l’augmentation des loyers était une voie impossible pour compenser les dépenses patrimoniales. 

«D'un côté, il semble y avoir une grosse volonté de créer plus de logements sociaux sur le Plateau, au point où on est capables de faire sortir des buildings du sol. Et de l'autre, on n'est même pas capables de gérer notre édifice, qui en comprend déjà, et de le garder en état», a dit un membre du public, responsable d’un immeuble datant du 19e siècle. 

«On essaie de faire le mieux avec tous les enjeux qu'on retrouve sur l'ensemble du territoire. On est déchirés par la crise du logement, la crise de l’abordabilité, la crise de l'itinérance. Ce n'est pas facile. Il n'y a pas de solution magique», a répondu Marie Plourde au sujet des efforts de son équipe. 

«Je ne garantis pas que le règlement va être parfait, mais ce n’est pas la fin.»

Génial ! Vous vous êtes inscrit avec succès.

Bienvenue de retour ! Vous vous êtes connecté avec succès.

Vous êtes maintenant abonné à Mon Plateau.

Succès ! Vérifiez votre e-mail pour obtenir le lien magique de connexion.

Succès ! Vos informations de facturation ont été mises à jour.

Votre facturation n'a pas été mise à jour.