Un plan d'action pour un Plateau plus accessible et inclusif
Sylvie Gionet doit parcourir un kilomètre simplement pour acheter du lait, car les dépanneurs situés à proximité de son logement
Le Plateau-Mont-Royal vient de modifier son Règlement d'urbanisme et espère ainsi favoriser la construction de logements sociaux ou communautaires sur des terrains détenus par la Ville de Montréal.
La crise du logement alimente les débats et de nombreuses interrogations émergent quant à l’urgence de lancer des projets de construction de logements sociaux et communautaires. Lors des assemblées de l’arrondissement ou sur les réseaux sociaux, les citoyens s’interrogent régulièrement sur la lenteur des progrès.
Neuf sites potentiels de construction sont visés dans l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal. Ils consistent en cinq immeubles ou ensembles d’immeubles, dont quatre ont été acquis par la Ville grâce au droit de préemption qui lui permet d'acheter en priorité un immeuble pour réaliser des projets au bénéfice de la communauté.
À cela s’ajoutent quatre stationnements appartenant à la Ville, qui sont également disponibles pour du développement immobilier à caractère social ou communautaire.
Pour l’instant, la dégradation des bâtiments et la pénurie de logements sont d’importantes sources d'inquiétude et de frustration pour les résidents, voisins des lieux, qui aimeraient bien y voir une prise en charge plus rapide.
Pour tenter d’accélérer le développement immobilier sur les neuf sites ciblés, Le Plateau-Mont-Royal a récemment modifié son règlement d’urbanisme. Cela permet notamment de répondre aux exigences des programmes d’aide gouvernementaux.
« On va enlever toutes les aspérités qui nous empêcheraient de développer des terrains », a expliqué la conseillère Marie Plourde lors de la dernière séance du conseil d’arrondissement.
« Que ce soit des changements d’usage, comme le terrain de Million Tapis et Tuiles qui n’avait pas d’usage habitation. […] Ça va être des terrains qui vont être prêts à être développés. »
Cette modification était notamment nécessaire pour soutenir un projet déposé le mois dernier par le Groupe Atelier Habitation dans le cadre d’un appel à projet fédéral. Celui-ci vise la construction de 75 unités de logements répartis dans deux immeubles .
La réponse est attendue prochainement et si elle est positive, Le Plateau-Mont-Royal pourrait voir naitre ce projet de logements communautaires d’ici deux ans.
Selon le consultant en habitation Richard Ryan, l’une des ombres au tableau actuellement est la fin en mars 2023 du programme provincial AccèsLogis, dont la Ville de Montréal était mandataire. L’aide financière qu’il permettait d’obtenir facilitait le démarrage des projets à la base.
« Comme le programme n’existe plus, si un groupe, une coopérative ou un OBNL, avec l’aide d’une ressource technique, un promoteur, dépose un projet à la ville, il doit maintenant se tourner vers les ressources provinciales et fédérales, qui ne sont pas toujours adaptées aux besoins » explique M. Ryan, qui ajoute que pour les plus petits organismes, la présentation d’un projet demeure un processus hasardeux.
Les programmes d’aide à la construction de logements sociaux ou communautaires, en bref:
Le FACL, le Fonds pour accélérer la construction de logements
Lancé en mars 2023, le FACL est une initiative de 4 G$ du gouvernement du Canada, dont 900 M$ destinés au Québec. Il vise à accélérer la construction de 100 000 logements à l’échelle du pays. La réalisation des projets, choisis par la Société d’habitation du Québec (SHQ), pourrait profiter d’un montant qui correspond à une proportion de près de 23 % du financement.
Le PHAQ, le Programme d’habitation abordable Québec
L’objectif du programme du Québec, le PHAQ, est de mobiliser tous les partenaires qui peuvent mettre sur pied des projets de logements abordables, soit les coopératives, les organismes à but non lucratif, les offices d’habitation et les entreprises du secteur privé.
Le PHAQ vise également à accélérer la construction de logements. En ce sens, ses normes prévoient que les projets devront être mis en chantier rapidement, soit dans les 12 mois suivant leur sélection, un délai qui pourrait s’étendre à 18 mois dans certaines circonstances.
La subvention maximale varie selon le type de demandeur et elle ne peut pas dépasser un taux maximal de 80 % du coût total du projet, pour une coopérative, un organisme à but non lucratif, un office d’habitation ou une société acheteuse à but non lucratif. Pour une personne, une fiducie, une société de personnes ou un groupement de personnes légalement constitués, immatriculés au Registre des entreprises du Québec, la subvention peut s’élever jusqu’à 60 % du coût total du projet.
Actuellement, les programmes de financement du logement social et communautaire, tant au fédéral qu’au provincial, sont peu nombreux. De plus, les délais de construction exigés dans les ententes de financement sont courts (de 12 à 18 mois) et donnent peu de marge de manœuvre aux promoteurs.
Mais la Ville de Montréal et les promoteurs de projets doivent tout de même être prêts à aller de l’avant, selon Julien Deschenes, soutien aux élu-es au cabinet du Plateau-Mont-Royal.
« Le grand rôle de la Ville dans l’écosystème de l’habitation en ce moment, c’est d’acheter des terrains, des bâtiments, de les sortir du marché spéculatif et de les redonner à des OBNL », explique M. Deschenes, ajoutant que l’implication de tous les paliers de gouvernement est nécessaire pour la suite des choses.
« Malheureusement, on ne peut pas se substituer aux responsabilités des autres gouvernements dans le dossier de l’habitation » ajoute M. Deschenes.
Il ajoute que beaucoup de programmes fédéraux visant des clientèles très spécifiques ont été mis en place dans les dernières années (santé mentale, personnes en situation de violence, immigrants, etc…). Mais les opportunités pour les groupes moins ciblés, comme les coopératives d’habitation par exemple, sont plus rares.
Malgré ces défis, M. Deschenes encourage les promoteurs à soumettre leurs projets dès maintenant. « Les programmes évoluent constamment. Ce qui semble impossible aujourd’hui pourrait devenir réalisable dans six mois. »
Depuis 2021, la Ville de Montréal a acquis plusieurs terrains et bâtiments dans un contexte de surenchère immobilière, grâce au droit de préemption. Mais est-ce que poursuivre l’acquisition de terrains dans l’intention d’y promouvoir du logement social est justifié, alors que les ressources pour leur développement demeurent insuffisantes ?
Pour Richard Ryan, il n’y a aucun doute. Selon ce dernier, il est crucial d’acquérir des terrains malgré les obstacles à court terme.
« Les terrains, c’est la base, c’est ce qui lance le processus. Même si les programmes actuels ne sont pas adéquats, un terrain réservé n’est jamais mort, il conserve toujours sa valeur. »
Il lui semble donc logique de voir la Ville de Montréal investir dans des acquisitions foncières, surtout dans un marché spéculatif comme celui de Montréal, où les opportunités se raréfient. La Ville se dote ainsi d’une réserve de terrains à développer dans l’avenir.
Mais dans un contexte politique fédéral instable et pré-électoral, il est réaliste de croire qu’il faudra sans doute patienter encore quelques années avant de pouvoir profiter des centaines de logements espérés.
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