Sauver la «saveur sourde» de l'ancien Institut des Sourdes-Muettes

Un regroupement d’organismes communautaires poursuit ses efforts pour que le nouveau projet de développement du site offre des espaces dédiés à la communauté sourde de Montréal.

Entrée Ouest de l'ancien Institut des Sourdes-Muettes.
Le pavillon Bonsecours de l'ancien Institut des Sourdes-Muettes, faisant face à la rue Saint-Denis. – photo : Devin Ashton-Beaucage

L’Association du Québec pour enfants avec problèmes auditifs (AQEPA) milite pour que l’imposant site historique, situé à quelques pas du métro Sherbrooke, continue d’offrir des services à la communauté sourde.

Cet établissement, qui servait autrefois à éduquer et soigner des personnes sourdes, est abandonné depuis plusieurs années. Toutefois, un appel de propositions du gouvernement du Québec a été lancé en novembre dernier et un nouveau projet sera annoncé ce printemps.

«On voulait que ça reste dans la communauté [sourde]», souligne la directrice générale de la section montréalaise de l’AQEPA, Marie-Josée Richard.

La Maison Ludivine Lachance

L’AQEPA est l’un des membres du Comité Institution des Sourdes, lui-même chapeauté par le Comité logement du Plateau-Mont-Royal. 

Le regroupement s’est donné pour mission que le site «demeure dans le domaine social, public et communautaire, et qu’une partie soit destinée au logement social et à des activités par et pour la communauté sourde.»

Le projet a été nommé Maison Ludivine Lachance, en l’honneur d’une ancienne élève qui avait été confiée à l’institution à l’âge de seize ans au début du 20e siècle. Alors qu’elle avait perdu l’ouïe et la vue lorsqu’elle avait trois ans, les enseignements des sœurs lui avaient permis d’apprendre à communiquer.

Travailler en partenariat

Mme Richard demeure réaliste face à l’improbabilité d’une réoccupation du site historique en entier par la communauté sourde, mais a espoir qu’une portion pourra répondre aux vœux de son organisme.  

«La communauté n’a pas l’argent pour acquérir les bâtiments et le terrain à 100%. On est conscients qu’il y a beaucoup de réparations à faire», indique-t-elle.

L’AQEPA et les autres membres du Comité Institution des Sourdes devront donc vraisemblablement s’entendre avec un promoteur immobilier afin que leurs vœux, ou certaines parties, puissent devenir réalité.  

«Je reste positive puisque toutes les personnes qu'on a rencontrées étaient très ouvertes à nos idées et à notre projet. Il faut juste qu'on trouve la bonne place et le bon financement», avise la directrice générale.

Créer un sentiment d’appartenance

Questionnée à savoir ce qu’elle voudrait voir dans un plan de réaménagement du site, Mme Richard nomme des logements sociaux adaptés, des espaces dédiés aux organismes comme le sien, une salle communautaire, une salle de réception et même un musée ayant comme thématique la surdité. 

«Ça pourrait vraiment créer plus de sentiment d’appartenance à la communauté», souligne-t-elle, disant même rêver de voir une cuisine dans laquelle de jeunes personnes malentendantes pourraient suivre des formations culinaires. 

«La communauté sourde n’a plus beaucoup de places d’appartenance historique», note-t-elle.

Face à l’éventualité que le projet qui sera approuvé par le gouvernement ne soit pas entièrement consacré à la communauté sourde, elle espère tout de même voir la marque de celle-ci y demeurer.

«On aimerait que le site au complet ait ce qu'on appelle une “saveur sourde”», explique-t-elle, disant souhaiter que des éléments commémoratifs s’y trouvent un peu partout.

Retour à la communauté

Le site avait été acquis par Québec en 1979, après le départ des élèves sourdes-muettes, des sœurs de la Providence et des pensionnaires qui occupaient encore les lieux. On y avait alors installé des bureaux pour le personnel du secteur de la santé et des services sociaux.

Il s’est toutefois vidé à partir de 2015, dans le contexte des réformes de gouvernance du réseau de la santé du ministre Gaétan Barrette, qui abolissait notamment les agences de santé et de services sociaux régionales. Quelque 300 employés ont donc déserté les lieux.

D’autres organismes et entreprises, comme l’Institut Raymond-Dewar et l’AQEPA ont éventuellement quitté à leur tour. 

Mme Richard s’en désole, puisqu’à l’époque, les bureaux de son organisme se trouvaient à proximité d’autres points de service de la communauté sourde. 

«On a eu nos bureaux dans l’édifice pendant presque 50 ans[...] On a été forcés de partir. Le gouvernement vidait le bâtiment au complet», raconte-t-elle.

«C’est un bâtiment que j’adore. L’emplacement est idéal, à cinq minutes d’un métro.»

L’organisme a donc quitté le site et occupe maintenant des locaux situés à l’intersection de la rue Sherbrooke et de l’avenue de Lorimier. Le prix de son loyer a plus que triplé. 

Sans grande surprise, Mme Richard dit que l’AQEPA et d’autres organismes retourneraient sur le site de l’ancien Institut des Sourdes-Muettes s’ils le pouvaient.

«Si on a vraiment beaucoup de personnes sourdes ou malentendantes qui viennent y habiter, on aimerait ça être présent, en faire une communauté et leur offrir des services», indique Mme Richard, disant aussi vouloir offrir des cours d’initiation au langage des signes aux autres occupants. 

«Il y a plein d’idées qui ont été lancées. On attend de voir ce qui se passe avec l’appel de propositions en cours.»

D’ici là, le projet Maison Ludivine Lachance deviendra officiellement une organisation à but non lucratif lors d’une assemblée constitutive prévue le 29 mars.

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